C’est l’histoire d’une rencontre. Je le cherche sans le savoir, puis un jour il est là, dans ce torrent si familier.  Mois après mois, saison après saison, j’apprends à le connaître, je l’observe construire son nid feuille à feuille, de la mousse par-ci des brindilles par-là, choisir sa pierre favorite pour s’ébrouer et plonger. Je maudis l’orage qui vient gonfler les eaux et emporter le nid, je fulmine contre le héron qui vient piller ses œufs l’année suivante. Mais la nature et ses lois immuables n’ont que faire du photographe. 

Il m’apprend la patience, l’affût, qu’on ne peut espérer témoigner du vivant que par une extrême discrétion, comprendre l’espèce avant toute chose, et s’immerger dans le lieu.  

… jusqu’au jour de l’immersion finale : des ronces, un boitier qui glisse sur la mousse luisante de l’écume de la cascade, une vasque scintillante. L’objectif prend l’eau …dans tous les sens du terme, et le bonhomme avec. Trempé, en slip et sans appareil photo, il faut recommencer à zéro.